De l’empire day à la fête de la jeunesse

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Historique de la fête de la jeunesse au Cameroun

En ce 11 février 2022 où le Cameroun dans son ensemble, célèbre la fête de la jeunesse, il m’a paru important de faire une petite analyse des origines de cet événement, en le positionnant dans la perspective de l’influence de la Réunification dans la construction de l’identité camerounaise.

𝐅𝐎𝐍𝐃𝐄𝐌𝐄𝐍𝐓𝐒 𝐇𝐈𝐒𝐓𝐎𝐑𝐈𝐐𝐔𝐄𝐒

Le 4 mars 1916, la France et la Grande Bretagne se sont partagées leur butin de guerre à la suite de la défaite de l’Allemagne. Pour des raisons qui sont connues des deux États, la France prend possession des 4/5 et la Grande Bretagne des 1/5 restants. Dans l’une et l’autre des acquisitions, chacun des deux pays y introduit son système de gestion coloniale, ceci malgré les dispositions Mandat de la SDN et plus tard la Tutelle de l’ONU qui faisaient de ces territoires, des espaces juridiques particuliers. Dans cette perspective, la quasi-totalité des habitudes coloniales de l’un et de l’autre ont prospéré à des exceptions faibles.

A la suite du partage du territoire, la Grande Bretagne introduit son trophée de guerre dans son vaste territoire du Nigéria notamment dans la « Est Région ».

La conséquence immédiate de cet état des choses est l’application au Southern Cameroons, des modifications constitutionnelles introduites par l’Angleterre. Ces constitutions étaient généralement acquises à la suite de conférences constitutionnelles. Consécutivement, se sont tenues trois assises de ce genre. Elles ont abouti à la Constitution Richard en 1946, à la Constitution Macpherson en 1951 et à la Constitution Lyttelton en 1954. C’est dire que le Southern Cameroons, comme l’ensemble de la colonie du Nigéria, était soumise aux exigences du modèle de gestion de la Grande Bretagne avec en prime, toutes les déclinaisons de celui-ci. Parmi eux, figure la célébration de l’Empire day.

𝐄𝐌𝐏𝐈𝐑𝐄 𝐃𝐀𝐘 𝐄𝐓 𝐋𝐀 𝐂𝐎𝐍𝐒𝐓𝐈𝐓𝐔𝐓𝐈𝐎𝐍 𝐋𝐘𝐓𝐓𝐄𝐋𝐓𝐎𝐍

L’Empire Day, jusqu’en 1958, et ceci depuis 1902, était célébré comme le jour de la grandeur de l’Empire Britannique.

Le Nigéria, comme le Southern Cameroons, célébraient avec allégresse cet événement qui se déroulait le 24 mai de chaque année. Au Southern Cameroons, la première édition est effective en 1949. Toutefois, dès le 26 octobre 1954, la donne change.

En effet, à la suite de la mise en place de la Constitution Lyttelton, le Southern Cameroons acquiert le Statut de Territoire Quasi Fédéral. Ce statut se matérialise par la mise en place d’un Gouvernement et d’une Assemblée législative. Cet acte marque la séparation de l’entité camerounaise d’avec la Région Est du Nigeria. Le 26 octobre 1954, date d’entrée en vigueur de la Constitution Lyttelton est retenue comme fête nationale au Southern Cameroons.

𝐋𝐀 𝐑𝐄𝐔𝐍𝐈𝐅𝐈𝐂𝐀𝐓𝐈𝐎𝐍 𝐄𝐓 𝐋𝐄 𝟏𝟏 𝐅𝐄𝐕𝐑𝐈𝐄𝐑

Le 11 février 1961, en application des dispositions de la résolution 1352 du 16 octobre 1959, un plébiscite est organisé au Northern Cameroons ainsi qu’au Southern Cameroons. Le Northern Cameroons choisit d’accéder à l’indépendance en se réunissant au Nigeria, tandis que le Souhern Cameroons fait le choix de la République du Cameroun indépendante depuis le 1er janvier 1960. La perte du Northern Cameroons, est très mal accueillie par les autorités de Yaoundé.

Conséquemment, le 1er juin, date officielle du rattachement du Northern Cameroons au Nigeria, est déclaré journée de Deuil National au Cameroun.

La Réunification qui intervient le 1er octobre 1961, se fait avec la mise en place d’un État Fédéral qui s’appuie sur deux États fédérés : l’État fédéré du Cameroun Occidental et l’État fédéré du Cameroun Oriental. Dans l’un et l’autre, la notion de « Fête Nationale » est singulièrement appréciée. Au Cameroun Occidental, elle est célébrée le 26 octobre, tandis qu’au Cameroun Oriental, les festivités se tiennent le 1er janvier de chaque année.

Devant cette situation toute à fait inédite, il devenait impératif de trouver une solution. Bien qu’elle participait à rendre compte du caractère biculturel de l’État, il en demeurait pas moins qu’elle était source de confusion. Les premiers à prendre l’initiative sont les membres du Gouvernement de l’État fédéré du Cameroun Occidental. En se rappelant aux bons souvenirs de l’Empire Day au cours duquel la jeunesse était mise en évidence, ils suggèrent que le 26 octobre soit désormais dédié à celle-ci.

L’INJS de Yaoundé

C’est ce qui explique la tenue le 26 octobre 1962, de la première journée dite «Youth and Sports Day».

Elle se tient également en 1963. Il n’est pas superflu de souligner que la célébration de cette journée, bien que restreinte au Cameroun Occidental, connaissait la participation d’officiels de la République fédérale ainsi que ceux du Cameroun oriental. Mais à bien y regarder, il est pertinent de constater que dès 1964, la donne change.

Deux questions essentielles ont participé à cela. La première était de savoir pourquoi la célébration de deux événements le même mois ? Quelle était d’ailleurs la portée du 26 octobre étant entendu que le 1er octobre, par un vote majoritaire, les populations se sont prononcées en faveur du rattachement à la République du Cameroun ?

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John Ngu Foncha y apporta des réponses. Pour lui, il est important que la fête de la jeunesse soit célébrée à une autre date. Dans son entendement, il n’y pas mieux que le 11 février. Ce choix consacre en réalité sa victoire sur le camp opposé à la Réunification. Sa position est adoptée par l’ensemble de son Gouvernement. Conséquemment, la première fête de la jeunesse est organisée à Bamenda le 11 février 1964.

Au cours de cette célébration, plusieurs dignitaires de la République fédérale font le déplacement de Bamenda.

Parmi eux se trouve Marigoh Mbouda Marcel, président de l’assemblée nationale fédérale. De retour à Yaoundé, il fait un compte rendu au Chef de l’État. Lorsque le président Ahidho prend connaissance du rapport, il est immédiatement plongé dans les souvenirs du voyage effectué en Israël en mai 1963. Au cours de ce déplacement, il avait eu l’occasion de se rendre compte de la place et du rôle accordés à la jeunesse dans ce pays.

Des élèves du lycée Leclerc de Yaoundé

Au-delà de cet aspect, Ahidjo en fin tacticien, comprend que la célébration de la fête de la jeunesse au Cameroun Occidental est une aubaine à saisir. Le but de la manouvre, étant sans doute de faire oublier, en relation avec le Northern Cameroons, la défaite du 11 février 1961.

Mieux encore, pour le président camerounais, il était plus bénéfique que le Northern Cameroons fasse le choix du rattachement à la République du Cameroun. Cela lui aurait procuré une assiette électorale plus vaste, certainement moins hostile et conquise à sa cause. Fort de cette position, il aurait plus d’argument pour se défaire du chantage de l’aristocratie peule.

Le rattachement du Southern Cameroons étant davantage pour lui, une « victoire » remportée en lien avec les thèses upécistes. Hélas !

Le choix du 11 février était l’occasion unique d’exorciser le mal, en célébrant concomitamment la jeunesse tout en inhumant le Deuil National.

Auteur: Narcisse Joël Meyolo, extrait du Meyolisme acte 17

https://youtu.be/ARaPMGFmN2Y

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